Marckolsheim: Il y a 50 ans, une mobilisation transfrontalière empêchait une usine chimique de s’implanter.
Il y a 50 ans, la population alsacienne et badoise empêchait la construction d’une usine chimique de plomb à Marckolsheim, au bord du Rhin. Cette première occupation écologique et transfrontalière fut couronnée de succès. Récit d’une aventure humaine…
Une implantation contestée
Une entreprise allemande de fabrication de stéarates de plomb, la Chemische Werke München (CWM) prévoyait de s’installer en France, directement à la frontière. Le projet de construction fut rendu public en 1973. Ce moment politiquement explosif dans la région du Rhin supérieur était précédé par le début de la contestation contre la construction de la centrale nucléaire de Fessenheim, et la protestation massive contre les projets nucléaires du Badenwerk à Breisach et plus tard à Wyhl.
Les raisons pour s'opposer à la CWM étaient multiples. L'usine aurait émis, dans l’atmosphère, 9 tonnes de plomb chaque année, et cela dans une région de viticulture ( le Kaiserstuhl ). Rapidement, on apprit qu’autour de telles installations, en Allemagne, les vaches mouraient dans les pâturages par intoxication au plomb. La population des deux rives du Rhin aurait été concernée par cette poussière de plomb émise dans l’atmosphère.
Une mobilisation transfrontalière
En août 1974, des écologistes allemands et français fondèrent une structure internationale de 21 comités composés de citoyens alsaciens et badois, afin de s'organiser contre l'usine de fabrication de stéarates de plomb et l'industrie nucléaire. Il n'y avait pas eu d’union semblable depuis les deux guerres mondiales. Il se passa quelque chose d'étonnant, dans cette région rurale des deux côtés du Rhin : plus de 4 000 personnes défilèrent pour protester contre l'usine de fabrication de plomb de Marckolsheim.
Cependant, les travaux préparatoires commencèrent à la mi-septembre. Le 20 septembre 1974, le site de Marckolsheim se retrouvait occupé par les écologistes français et allemands, qui construisirent une rotonde en bois : la première maison de l'amitié au bord du Rhin. D'autres occupations de terrain suivront à Wyhl (D), à Kaiseraugst (CH), à Gerstheim (F) et aussi à Buggingen, où les opposants badois à l'ensemencement de maïs transgénique font encore référence à l'expérience de Marckolsheim.
Une victoire humaine
Cette première occupation à Marckolsheim, ce fut d'abord de la pluie, de la neige, de la boue jusqu'aux chevilles par un hiver humide et froid. Ce fut la démission du conseil municipal de Marckolsheim et l'occupation d'un pont flottant sur le Rhin à Sasbach. C'étaient des Badois, des Alsaciens, parlant le badois, l'alsacien, l'allemand et le français. C'était une renaissance de la culture régionale alémanique, et simultanément une dernière renaissance avant le déclin du dialecte alsacien.
C'étaient des femmes et des hommes, des viticulteurs et des hippies, des jeunes et des vieux, des gauchistes et des conservateurs, des visages multiples, des discours, des polémiques, des histoires d'amour, des discussions et des chansons autour du feu. C’étaient des manifestations, des occupations de ponts, des tracts, des recueils de chansons et des affiches.
Le 25 février 1975, le gouvernement français refusait, à l'entreprise allemande CWM, l'autorisation de construire l'usine de fabrication de plomb de Marckolsheim. Riche de cette nouvelle expérience, à savoir qu’une occupation illégale d’un terrain de construction peut conduire au succès, la protestation se déplaça de quelques kilomètres dans la forêt de Wyhl contre le projet d'une centrale nucléaire. Mais c'est une autre histoire…
Et après ?
Ce qui reste de ce succès, c’est une victoire pour l’homme et l'environnement avec l’empêchement d’une pollution annuelle de 9 tonnes de plomb. Pour l'entreprise CWM, qui devait fabriquer des stabilisateurs pour PVC et autres matières plastiques, c’est finalement aussi une sorte de victoire car ces produits ne sont plus utilisés aujourd’hui ; les protecteurs de l'environnement ont empêché une erreur économique.
C'est dans ce combat écologique qu'on trouve les racines du BUND et d'Alsace Nature. Les associations de protection de la nature se sont engagées dans une réflexion politique au sens large du terme ; la croyance des années 60 en la croissance révéla ses premières fissures.
Il faut souligner que c’est à Marckolsheim que se situe un des moments importants de la réconciliation franco-allemande. C’est ici que le rêve de l'Europe sans frontières a vu le jour dans la chanson de François Brumbt : « Mir keije mol d’Gränze ewer de Hüfe und danze drum erum ».
Aujourd'hui, un entrepôt de voitures de Peugeot et une usine d'acide citrique se trouvent sur le terrain, autrefois occupé. Les deux entreprises ne sont pas aussi polluantes que l'aurait été l'usine de fabrication de plomb. Cependant l'usine d'acide citrique, Jungbunzlauer, empeste les villages des deux côtés du Rhin, même si les émanations ne sont pas toxiques.
Axel Mayer, BUND Geschäftsführer et Kreisrat, à l'époque apprenti et occupant âgé de 18 ans
1974 - 1975: occupation de chantier victorieuse à Marckolsheim (usine C.W.M. de production de stéarates de plomb)
1974 - 1975: occupation de chantier victorieuse à Marckolsheim (usine C.W.M. de production de stéarates de plomb)
1974 - 1975: occupation de chantier victorieuse à Marckolsheim (usine C.W.M. de production de stéarates de plomb)
1974 - 1975: occupation de chantier victorieuse à Marckolsheim (usine C.W.M. de production de stéarates de plomb)